Le retour à plus de prudence
Le 31 janvier, la cave d’Azé tenait son assemblée générale. Sur l’exercice comptable 2023-204, les ventes vracs « se décalent » et autres circuits de distribution peinent à se maintenir. Les stocks sont en hausse. La cave affiche toujours néanmoins une bonne santé, mais se veut donc prudente à l’avenir.

Il s’agissait notamment de commencer à régler la récolte 2023 et apporter les compléments de prix de la récolte 2022 (16.340 hl) pour les 45 associés coopérateurs, qui récoltent sur un périmètre de 260 ha environ. La récolte 2023 a permis à la cave de « retrouver un volume normal » s’élevant à 17.260 hl. Le chiffre d’affaires s’élève à 7.257.700 €, constitué par 70 % de volume conditionné et 30 % en vrac. La baisse du chiffre d’affaires (-8,25 %) est surtout à mettre sur la partie vrac. Les bouteilles restant bien valorisées. « Les vracs se sont aussi vendus un peu moins chers », rappelait le président de la cave, Dany Grandjean. Une situation répandue partout, et largement au-delà de la Bourgogne viticole suite à la crise sectorielle. La conjoncture en France et le contexte géopolitique mondial laissent tout le monde plein d’incertitudes depuis plus d’un an.
Ce qui n’a pas empêché la cave de continuer d’investir pour moderniser son outil de production et de commercialisation (magasin, cuves, renouvellement fûts…) et bientôt des panneaux photovoltaïques, « prévus pour l’an prochain », avec des aides FranceAgriMer. Au final, pour l’exercice clos voté en cette assemblée générale, le bénéfice est de 445.239 €. « La cave a pour objectif de maintenir une situation financière saine en continuant de travailler intelligemment et en respectant l’environnement », poursuivait Dany Grandjean. Il citait notamment le travail sur la consommation d’eau « maîtrisée » à 0,7 litre par col en moyenne (contre une moyenne de 2,8 en France). Il notait aussi l’utilisation de bouchons « océans » (Nomacorc), issus de plastique recyclé suite à la récupération de plastique polluant les océans.
Des stocks pesants
Avant de donner la parole à Pierre Jérôme Beretti, directeur de l’Alliance des Vignerons des Bourgognes Beaujolais (AVBB), des explications étaient nécessaires sur la nouvelle situation, notamment la valorisation des stocks et sur la vente des produits. Malgré des commandes parfois passées, « les sorties des négociants se décalent, ils sont encore là en stock et ils nous coûtent », pesant pour un million d’€ (14.550 hl) en plus sur la trésorerie de fin d’exercice, confirmait le cabinet comptable BR Audit. Ce qui faisait réagir l’ancien président de la cave, Jacky Poulain. « Il ne faudrait pas retomber dans la même situation : celle où c’est toujours sur les producteurs que cela retombe », même s’il reconnaissait que la situation n’est pas encore « des plus compliquées avec encore de beaux chiffres ». Et ce, grâce à une multiplication des circuits de distribution et donc une moindre dépendance aux ventes négoces. Depuis 2014, avec la Compagnie de Burgundie, les ventes « bouteilles » apportent de la stabilité et de la valorisation. Les ventes de vrac et du magasin comptent pour 40 %, contre 60 % du chiffre réalisé par la Compagnie de Burgundie.
Des marchés à conquérir
Entré au directoire de la Compagnie, Pierre-Jérôme Beretti faisait donc un point économique d’AVBB, qui regroupe les caves de Viré, d’Azé, du Château des Loges, du Château de Chénas et des Vignerons des Pierres Dorées. Pour la cave d’Azé, cela représente 7.286 hl « écoulés » pour un chiffre d’affaires de 4,4 millions d’€ sur l’exercice. Cette union commerciale de trois caves du Beaujolais et deux du Mâconnais est entrée au capital de la Compagnie de Burgundie pour en faire la « plus grande union de caves » localement (90 M€ de CA consolidés). Après des années « de progression », il confirmait des « marchés atones » dernièrement, obligeant à des « repositionnements prix ». Malgré ce « décrochage » (25.611 hl ; -15,5 % en volume par rapport aux volumes 2023), le chiffre d’affaires de l’union se maintient. « Le recul se manifeste et s’explique depuis 2021 dans le sud beaujolais » surtout. Sur les 84.500 hl (équivalent de 11 millions de cols), l’union vent en bouteille environ 30 % de ce total. Ce pourcentage devrait être de « 42 % » (27.111 hl) en 2025, selon ses projections, en raison de la baisse de récolte à commercialiser (63.960 hl).
Calculs face aux concurrents
« On a besoin de bien se coordonner pour ne pas revendre de vrac à nos concurrents sur certains marchés », fait-il particulièrement attention. Pour Azé, AVBB commercialise donc 7.200 hl des 17.260 de la récolte 2023. « Une baisse de 10 % par rapport au précédent exercice, mais mieux que la moyenne de l’union à -16 % », tentait-il de relativiser. Grande distribution et export se tendent (-17 % et -8 % respectivement). Mais, il reste quelques motifs positifs. « Le réseau traditionnel est relativement stable ». Et la cave d’Azé a encore la perspective de se développer sur l’export. « Sur ces deux dernières années, des marchés sont partagés avec la cave de Viré ». Même si Chine ou Russie ne sont plus des marchés « d’espérance de croissance ». Voire même l’Angleterre (refonte des droits d’accises par demi-degré d’alcool au 1er février, « en raison du Brexit »). Reste donc l’inquiétude conjoncturelle principale qui est « une déconnexion au fil des années des valeurs des prix bouteilles de celles du vrac ». L’union a donc engagé avec les caves un gros travail sur les coûts de production en prévision « de marchés plus tendus et plus concurrentiels ». Le tout avec un travail sur l’informatique pour mieux faire remonter les données et être réactif techniquement et commercialement.
Le responsable qualité, Arnaud Delesalle ne peut qu’approuver lui qui avance sur les démarches RSE dont celle « bien suivie de tous » des Vignerons Engagés. De quoi être fier et valoriser en direct avec les clients passant au magasin, même si ce dernier connaît aussi une baisse, tout comme le site web, regrettait Adrien Grandjean, qui fait également partie de la commission Technique du BIVB pour faire le lien sur tous ces sujets transversaux.
Car comme pour son père, et malgré des salariés impliqués à l’image des deux médailles du travail remises à Valérie Thévenard (secrétaire administrative et comptable) et Denis Charlot (maître de chai), la cave d’Azé n’a pas de directeur et est pilotée par ses seuls coopérateurs. Dany Grandjean annonçait d’ailleurs ne pas se représenter à la présidence à l’avenir. « J’ai repris un tour, mais je pense qu’il faut remanier le bureau. J’ai 61 ans, je pars avec une certaine sérénité sur la trésorerie. Mais il faut du changement avec de très nombreux jeunes qui doivent nous rejoindre », remerciait-il tous les coopérateurs, salariés et partenaires avec qui il a eu plaisir à travailler pendant 12 années de présidence.
