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Prédation en Saône-et-Loire

Le Département dégaine un nouveau plan de soutien aux éleveurs

Face aux prédateurs, les éleveurs peuvent compter sur le Département de Saône-et-Loire. En effet, les conseillers départementaux ont adopté le 30 juin un dispositif pour répondre à une réalité de plus en plus pesante : la pression psychologique des attaques de loups. Un sujet souvent évoqué, rarement traité frontalement au niveau local.

Par Cédric Michelin
Le Département dégaine un nouveau plan de soutien aux éleveurs

Le rapport 301 est un pas de plus pour accompagner les éleveurs victimes de la prédation, surtout des loups qui ne cessent de passer (et tuer) dans notre département. Un fléau qui a fait des centaines de victimes, que ce soit des brebis éventrées, des veaux déchiquetés ou des équins mutilés. Sans compter, les bêtes apeurées, non gestantes… « Ce n’est pas le travail des éleveurs que de retrouver ses animaux dépecés ou qu’il faut euthanasier », ne décolère pas Frédéric Brochot qui présentait le rapport 301 en sa qualité de vice-président en charge de l’agriculture. Il envoyait au passage une critique acerbe à tous « les donneurs de leçons ne venant jamais voir la réalité » de la prédation des loups. Comme est bien nommé le rapport, il s’agit de faire face au stress psychologique des éleveurs et celui de leurs familles qui ont tous « la boule au ventre ». Le Département a donc cherché à les soulager, si cela est quelque part possible. En discutant avec des éleveurs prédatés et avec la profession, le Département se positionne sur la prévention, « pour tenter d’anticiper les attaques lorsqu’il y a une menace ».

Une initiative qui se concrétise par la mise à disposition de matériel de surveillance nocturne : 12 appareils photo équipés de capteurs infrarouges – pour les exploitants les plus exposés du département. Objectif : « redonner de la maîtrise, de la visibilité et un peu de sérénité » à ceux dont les nuits sont écourtées par l’angoisse de la prédation. Montant de l’enveloppe : 4.104 €. Modeste en apparence, mais symbolique et hautement opérationnelle.

La santé mentale en ligne de mire

Tout part d’un constat glaçant : selon une étude de l’Inrae de 2022, les éleveurs victimes de prédation vivent une intrusion constante du prédateur dans leur quotidien, mêlant stress chronique, fatigue extrême et, dans les cas les plus graves, isolement ou gestes désespérés. Le glissement entre sphère professionnelle et vie personnelle est patent. Et les conséquences humaines, bien réelles.

Le Département l’affirme : « Renforcer la réactivité et la sécurité des élevages, c’est aussi limiter l’impact de la prédation sur la santé mentale des agriculteurs ». Pour Frédéric Brochot, ces caméras thermiques doivent permettre « de surveiller les passages (des loups, N.D.L.R.) pendant le laps de temps permettant de travailler avec les services de l’État », même s’il se permettait d’ironiser sur « l’État est normalement censé être là pour faire la régulation » des loups.

Un manque de soutien des médias

Sur le terrain, les éleveurs pointent du doigt la difficulté d’accès aux données sur le loup. L’OFB estime la population à 1.013 individus en France – un chiffre contesté par les syndicats agricoles, qui parlent d’une sous-évaluation chronique. Résultat : les dispositifs de protection peinent à suivre l’évolution réelle de la menace.

Le Département prend donc les devants. Si l’État a déjà simplifié certaines procédures (autorisations plus rapides de tirs préventifs, usage de caméras validé…), cette mesure départementale vient compléter l’arsenal défensif en outillant les exploitants eux-mêmes. Au-delà du matériel, ce rapport marque une reconnaissance officielle de la détresse vécue sur le terrain. À l’heure où l’on parle souvent de « bien-être animal », cette action rappelle qu’il ne saurait exister sans le bien-être de l’éleveur. Pourtant, bon nombre de médias ne s’en font pas l’écho, laissant les éleveurs prédatés seuls face à l’indifférence du grand public. Le président du Département, André Accary les assurait du plein soutien du Département qui a agi « dès le début », malgré la perte de la compétence agricole depuis la loi NOTRe. « Nous avions voté une subvention aux louvetiers, ces bénévoles qui n’avaient pas le matériel nécessaire pour répondre aux attaques du loup. On accompagnera les éleveurs touchés et ceux non touchés ». Et peu lui importent les messages haineux des pro-loups ou les solutions théoriques brandies sur les réseaux sociaux : « ils disent qu’il suffit de prendre des chiens (patous) alors que c’est très difficile dans notre configuration d’élevage départemental et on voit que dans les Alpes qui se font dévorer. Scandaleux mes propos ? on répondra avec notre service juridique ». Fin des débats avec un rapport adopté sans opposition.

Loup : colère des agriculteurs contre une décision de la préfète coordinatrice

« La décision de la préfète est une sentence de trop que nous n’acceptons pas ». Dans un communiqué commun du 30 juin, la FNSEA, Jeunes Agriculteurs et cinq associations spécialisées* ont dénoncé « la décision de la préfète coordonnatrice du Plan national loup et activités d’élevage de restreindre l’envoi de la louveterie aux seules exploitations ayant subi au moins deux prédations dans les quatre derniers mois ». Ces six syndicats agricoles la comprennent d’autant moins que les attaques de loup se multiplient en période estivale, quand les troupeaux sont sur les alpages et les estives. « Restreindre la capacité d’intervention des louvetiers, c’est priver les éleveurs de moyens de se défendre tout court, c’est donner au loup les clés de la bergerie », poursuit le communiqué de presse. Les six organisations agricoles demandent le retrait de la décision de la préfète Fabienne Buccio, et en plus de relever le seuil du quota de prélèvement des loups de 19 % à 21 %.

(*) FNB (bovins), FNO (ovins), FNPL (lait), FNEC (chèvres), FNC (cheval)

Macron sur le loup : « La responsabilité revient à l’État »

Le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau, a réagi aux propos tenus par le président de la République, Emmanuel Macron, lors de son déplacement à Roquefort le 3 juillet. « Il faut passer de la parole aux actes, Monsieur le Président : maintenant que toutes les étapes réglementaires européennes ont été franchies, la responsabilité en revient à l’État français », a-t-il dit, demandant de « lever la décision de restreindre l’envoi de la louveterie aux seules exploitations ayant subi au moins deux prédations dans les quatre derniers mois ». En marge du 100ᵉ anniversaire de l’AOC du Roquefort, le chef de l’État avait déclaré vouloir empêcher l’implantation du loup là « où il y a du pastoralisme ». « On ne va pas laisser le loup se développer et qu’il aille dans des massifs où il est en compétition avec des activités qui sont les nôtres », a ajouté le chef de l’État. « Et donc ça veut dire qu’il faut, comme on dit pudiquement, le prélever davantage ».

Pour rappel, le statut de protection du prédateur vient d’être abaissé dans la Convention de Berne et dans la directive européenne Habitats, ouvrant la porte à une gestion plus souple. Un travail est en cours au sein du Groupe national loup pour explorer les conséquences de ce changement juridique dans le droit français. Le président de la République a jugé « vraisemblable qu’il faille une loi » pour parvenir à ses fins. Et Arnaud Rousseau d’appeler à commencer par « lever la décision de restreindre l’envoi de la louveterie », dans un contexte de forte hausse des attaques et des prélèvements de loups début 2025.

Le loup a été réintroduit en France dans les années 1990. La population lupine dépasse aujourd’hui les 1.100 individus. Selon les chiffres du Plan national Loup au 31 mars dernier, le nombre d’attaques (+ 165) et de victimes (+ 774) avait fortement augmenté en comparaison du 1er trimestre 2024.