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Quand un loup en remplace un autre : une histoire sans fin si l’État ne change pas de braquet !

Le Préfet de Saône-et-Loire, accompagné des services de la DDT, s’est rendu ce mardi 13 mai sur l’exploitation du Gaec Pariat à Morey. Objectif : constater sur place les dégâts infligés au troupeau, récemment attaqué par un loup. Une visite attendue, mais sous tension, dans un secteur à bout de nerfs face aux attaques répétées du prédateur.

Quand un loup en remplace un autre : une histoire sans fin si l’État ne change pas de braquet !

C’est sous un soleil de printemps trompeur que le Préfet a été accueilli, une scène marquante l’attendant : deux ovins suspendus à la fourche d’un tracteur, témoignage criant du désespoir des éleveurs. La famille Pariat, affectée par ces attaques à répétition depuis plus de deux ans, n’a pas mâché ses mots : « J’en ai ras le bol », lâche Madame Pariat, visiblement à bout.

Une visite sous haute tension, à la hauteur du désarroi des éleveurs

Plus de 80 personnes étaient présentes pour soutenir l’exploitation victime de l’attaque. Comme le souligne Frédéric Borne, éleveur à Écuisses : « La quasi-totalité des éleveurs des communes alentour sont là. Ils sont terrorisés. C’est un véritable carnage dans l’état d’esprit des agriculteurs ! »

La situation devient intenable. Après le « loup boiteux », officiellement abattu à deux reprises selon les chiffres, un nouveau loup bien valide, sur ses quatre pattes, a été photographié le week-end dernier dans le secteur.

Le passage en cercle 1 : un piège pour les éleveurs !

Depuis le 24 février, six communes (Essertenne, Marcilly-lès-Buxy, Morey, Saint-Bérain-sur-Dheune, Sainte-Hélène, Villeneuve-en-Montagne) ont été classées en « Cercle 1 », zone de prédation élevée, par arrêté préfectoral. Ce classement implique des contraintes supplémentaires pour obtenir des autorisations de tirs de défense : renforcement des dispositifs de protection et surveillance continue. Pire encore, les parcs de nuit, auparavant reconnus comme dispositifs de protection, ne le sont plus pour les troupeaux situés en Cercle 1. « Les patous ? Il m’en faudrait 25 ! Et après ça, il ne restera plus un seul touriste dans le coin ! » ironise Émilie Magnin, éleveuse à Villeneuve-en-Montagne. Et de rebondir : « Avez-vous seulement consulté les éleveurs pour ce classement ? ». Elle poursuit : « Même le loup boiteux saute les clôtures ! On voit bien que ce système ne fonctionne pas ! ».

Thibault Renaud, représentant des Jeunes Agriculteurs, rappelle : « Devant la Préfecture en décembre, on vous avait dit que la cartographie proposée n’était pas acceptable. Surveillance, clôtures, main-d’œuvre… c’est impossible à tenir ! Il faut que ce secteur repasse en Cercle 2, immédiatement. »

Face à l’urgence de la situation, le reclassement de ce secteur en cercle 2 est exigé sans délai du Préfet, condition indispensable à la libération immédiate des tirs de défense.

Des aides… mais des contrôles qui dissuadent

Le Préfet indique que des dispositifs se mettent en place pour accompagner les éleveurs qui souhaitent se protéger : une aide publique à hauteur de 80 %, financée par le FEADER, et un dispositif expérimental en lien avec la Chambre d’Agriculture, reposant sur des fonds d’origine privée (fonds de compensation). Ce mécanisme permettrait d’avancer la totalité de l’aide FEADER et de couvrir les 20 % restants.

Sur le terrain, la réalité est plus nuancée sur les dispositifs de protection. "J’ai acheté pour 13 000 € de clôtures, subventionnées à 80 %. J’ai eu deux contrôles, et on n’écarte pas la possibilité d’un troisième. Ça suffit !", témoigne un éleveur.

Au-delà de la lourdeur administrative, plusieurs éleveurs expriment un rejet total du dispositif de protection, quel que soit le niveau d’aides, considérant que les protections sont inefficaces contre le loup. Leur demande est claire : ils veulent moins de loups, pas plus de paperasse.

 

« Nous vous alertons avant qu’un drame humain n’arrive »


Des éleveurs qui se sentent incompris, abandonnés, tiraillés entre colère et détresse. Émilie Magnin, la voix brisée par l’émotion, témoigne : « Chaque matin, mes enfants me demandent si le loup a attaqué pendant la nuit… Vous trouvez ça normal ? ».

Thomas Martin, éleveur ovin élu à la Chambre d’Agriculture alerte les autorités : « Si nous sommes tous là aujourd’hui, c’est pour soutenir la famille Pariat mais aussi pour vous alerter : il faut agir avant qu’un véritable drame humain ne se produise ! »

 

Des incompréhensions qui persistent quant à la stratégie à adopter : d’un côté, des éleveurs qui ne veulent pas de loups ; de l’autre, des autorités qui préfèrent accompagner la protection des troupeaux. Pour les éleveurs, le constat est sans appel : le système ne fonctionne pas et l’État doit urgemment revoir sa copie, sous peine de laisser la fracture grandir entre les éleveurs et les institutions.

 

Une simplification législative réclamée avec force

"Nous vivons dans une société qui protège le loup", concède le Préfet. "Je ne peux pas dépasser le cadre de la loi", ajoutant que le travail législatif est nécessaire pour faire évoluer la situation.

Benoît Regnault, secrétaire général adjoint de la FDSEA, souligne : « Au niveau européen, grâce au travail du Copa-Cogeca qui regroupe les syndicats agricoles français, italiens, espagnols, allemands et bien d’autres, nous avons obtenu, après deux ans de mobilisation, un abaissement du statut de protection du loup. Les démarches sont longues, mais nous avançons. » Et de poursuivre : « Suite aux mobilisations de 2024, on nous a promis une loi pour alléger les contraintes environnementales qui pèsent lourdement sur les agriculteurs » (N.D.L.R. : le projet de loi dit "loi contraintes" est examiné cette semaine à l’Assemblée nationale). « Si cette loi n’est pas adoptée, nous repartirons en manifestation. Et cette fois, la Préfecture, les parlementaires et les associations environnementales auront des comptes à rendre ! »

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